Le monde change, le management aussi. Pour Pauline Lampel Directrice du Career Center & Relations Entreprises chez Crea, (L’école de référence dans le domaine du Marketing et du Digital) le management est en pleine mutation mais les objectifs restent les mêmes : la performance.

Elle décrypte pour nous le manager de demain.

1-Quel est le profil du manager de demain ?
Garants de l’atteinte des objectifs, les managers sont les ponts entre la stratégie de la Direction et les employés. Il y a toujours eu différents styles de management – direct, participatif, visionnaire, conciliant, transactionnel, intuitif, etc. -, chaque manager agit selon sa personnalité, ses convictions et sa formation. Beaucoup de managers se retrouvent propulsés, récompensés après une dizaine d’années d’expérience. Ils ont la connaissance du métier et savent travailler en mode projet, mais n’ont pas tous suivi une formation en management et donc en gestion de l’humain. Leur style de management sera alors influencé par leurs propres expériences.

Management vertical ou horizontal ? Pour tous, le but du manager ne change pas : il est au service de la performance, il doit délivrer. Aujourd’hui l’avenir tend vers un management horizontal, principalement dans les pays où la liberté d’expression le permet. Ce type de management ne peut pas s’appliquer de la même façon à tous les types de profils et de métiers. Il ne s’agit pas de choisir entre management vertical et horizontal, mais d’appliquer un bon équilibre des deux. ; c’est tout le paradoxe de la gestion de l’humain, le management doit savoir accueillir les différentes attentes et besoins de chaque individu.

Dans les deux cas, le manager est avant tout un meneur d’équipe : déléguer, motiver, évaluer et donner du feedback font partis de son quotidien. La différence avec l’émergence du management horizontal vient principalement dans le management participatif, le fait d’accepter de recevoir du feedback. Quand il est bien appliqué, l’employé se sent réellement écouté, reconnu, valorisé, il est donc plus engagé. Il faut toutefois que cette récolte porte ses fruits, et se transforme en actions concrètes pour que ce processus soit pertinent.

Est-ce que donner la parole aux employés peut créer de la confusion dans les rôles de chacun ? C’est aussi l’occasion de voir de nouvelles idées et opportunités émerger de ces échanges. Cela rapproche les salariés de la Direction, mais en aucun cas n’enlève le rôle du manager qui fédère tous les acteurs. Ces échanges servent l’engagement et la performance, et sont encadrés par des process précis. Tout ne doit pas être discuté, il faut identifier les bons leviers et le timing pour donner la parole aux employés.

2-Quelles nouvelles compétences voyez-vous émerger ?
En pleine « guerre des talents », l’employeur branding devient incontournable, et les managers ont un rôle essentiel pour retenir les talents. Prendre soin de ses employés, c’est prendre soin de ses clients. Un manager soutenu et écouté sera confiant, il pourra davantage faire face aux difficultés qu’il rencontre au quotidien. Plus de concurrence, de pression au quotidien, des délais chaque jour plus courts et des budgets coupés font partis de notre quotidien. Ajouter de la bienveillance à tous les niveaux hiérarchiques favoriserait l’engagement des équipes.

On voit aujourd’hui émerger, de plus en plus chaque jour, le sujet du bien-être des salariés en entreprise. Pour beaucoup d’entreprises, c’est une évidence. Pour d’autres, c’est une mode ; on n’est pas au travail pour être heureux, on vient pour travailler. La croyance persiste que les deux ne sont pas nécessairement compatibles. La transition est bien là, sous nos yeux. Après un an de télétravail et des salariés qui ont prouvé qu’ils arrivaient à travailler efficacement à distance, les millenials qui sont en demande de nouvelles règles plus souples du monde du travail, le brown-out, burn-out, les turn-overs importants dans beaucoup de secteurs, il devient difficile de ne pas voir que les règles du jeu sont en train de changer : l’entreprise peut avoir un impact sur le bien-être de ses employés.

Auparavant pour être un manager reconnu, il fallait être avant tout avoir de la poigne. Aujourd’hui, les managers attentifs et bienveillants sortent du lot. En plus d’avoir de grandes capacités d’analyses, d’organisation et de proactivité, il faut y intégrer des valeurs humaines pour devenir coordinateurs de talents : communication, capacité d’écoute, adaptabilité, ainsi qu’une multitude de soft skills.

C’est donc la définition du leadership qui est redéfinie. Peut-on manager sans leadership ? Le leadership est-il naturel ? Tout le monde peut-il ou veut-il devenir leader? Pour certains, oui. Pour d’autres, ce sera une base d’apprentissage. L’intelligence émotionnelle est la clé pour créer une collaboration efficace, soutenir au quotidien des équipes. L’important est avant tout de bien se connaître – ses propres valeurs, ses forces et faiblesses –, de s’intéresser à son style de management et avoir la volonté de continuer à apprendre. Devenir manager ne devrait pas être perçu comme une finalité, mais comme une opportunité d’apprendre de nouvelles compétences ; c’est un nouveau métier en soit.

3-Qu’est-ce que la crise a changé de fondamental dans le management, selon vous ?
Avec la crise sanitaire, le télétravail est devenu la norme pendant une année. Les managers ont généralement été accompagnés dans la transition digitale, avec des outils adéquats pour contrôler, mesurer, et partager du contenu. Mais beaucoup n’ont pas été accompagnés pour soutenir humainement leurs équipes à distance. Or, une collaboration à distance implique aussi de maintenir des liens étroits avec ses équipes. Créer des moments d’échanges plus personnels, comme si on était sur son lieu de travail, pour savoir comment vivent réellement et individuellement les membres de son équipe, sans paraître intrusif.

Pour cela, l’entreprise doit changer d’état d’esprit, avoir davantage confiance en ses employés, s’intéresser à leur bien-être en mettant en place de nouveaux processus RH au cœur de leur stratégie, facilement utilisable par les managers, pour créer du lien. Les managers se sont, pour beaucoup, retrouvés seuls à devoir réinventer et adapter leur style de management pendant toute cette période afin d’accompagner aussi bien les membres de leurs équipes qui étaient très à l’aise dans cette période de changement, mais également ceux qui ont rencontrés des difficultés.

En plus du cadre et des conditions de travail, l’humain et l’échange devraient être au centre des préoccupations du management de demain. L’objectif est de créer de la fluidité dans tous les échanges, une réelle stratégie de collaboration des RH avec les managers, avec des outils digitaux qui servent l’engagement et la performance en créant du lien, permettant des échanges constructifs et utilisant intelligemment les feedbacks, tant professionnels que relationnels. Il existe de plus en plus de solutions efficaces pour permettre ces échanges.

4-Qu’attendent désormais les équipes de leur manager ?
Aujourd’hui, le manager ne peut plus être opportuniste, il doit également être altruiste. Il est attendu des managers qu’ils soient de meilleurs communicants, expliquant davantage à leurs équipes les enjeux des projets sur lesquels ils collaborent, mais également des médiateurs, sachant soutenir et recevoir leurs feedbacks. Ce n’est plus seulement aux RH de faire le lien, mais bel et bien aux managers directs, de créer du lien et répondre à cette attente humaine des membres de leurs équipes. Les nouvelles générations recherchent à travailler pour des leaders, des managers justes, bienveillants et à l’écoute, positifs, inspirants et transparents. Ils doivent être capables de connaître et comprendre chaque membre de leurs équipes, les encourager à « performer » et à se dépasser. Partager les réussites mais aussi les échecs de l’équipe ; au même sens qu’une équipe sportive, le manager devient coach.