En ces premières semaines de 2023 et alors que les Chinois finissent leurs vacances du Nouvel An (celui donc du lapin), les petits nuages roses semblent s’accumuler sur les perspectives économiques mondiales et par ricochet sur les marchés mondiaux. Le FMI revoit ses prévisions à la hausse (2,9 % pour le monde en 2023) alors que la Banque mondiale (avec une méthodologie un peu différente) reste pessimiste à 1,7 % pour la planète.

La fourchette est large et illustre bien l’ampleur de nos interrogations que doivent d’ailleurs partager les banques centrales. Faut-il acheter le scénario rose : la page du Covid est tournée en Chine et passées les vacances, la Chine va repartir comme avant ; avec la normalisation du transport maritime (et la poursuite de la chute des taux de fret des conteneurs), les chaînes de valeur se remettent en place ; l’activité repart aussi dans les pays avancés qui profitent même d’un effet « guerre » ; le chômage baisse avec des créations record d’emploi aux États-Unis en janvier (517 000) tout comme l’inflation et les banques centrales en termineront autour de l’été de leurs exercices de hausses des taux. Le « hic » de ce scénario qui place la croissance chinoise bien au-delà de 5 % c’est que la demande en matières premières rebondit ce qui a un impact direct sur les cours du pétrole, mais surtout du gaz naturel, l’une des clefs de l’inflation européenne. Le diable est dans les détails… En tout cas, les marchés semblent acheter ce scénario : le SP 500 est en hausse en janvier de 8 % et le Nasdaq de 16 %.

L’autre scénario qui nous paraît plus réaliste ne balaie pas d’un simple revers de la main tant le risque sanitaire que les difficultés inhérentes au modèle chinois. La croissance chinoise serait plus longue à repartir et dans les pays avancés l’impact des hausses de taux se ferait sentir de manière plus forte. Le paradoxe de ce scénario est que la pression sur les produits de base serait moins forte, en particulier en ce qui concerne les achats chinois de GNL, de pétrole et de minerais et métaux.

Ces deux scénarii restent pour l’instant largement ouverts et la réalité sera probablement quelque part à mi-chemin : une reprise plus lente en Chine et par contre plus de résilience aux États-Unis et dans une moindre mesure en Europe, qui reste le maillon faible et qui est quand même aussi en première ligne d’un conflit ukrainien qui, avec le printemps, risque de prendre une dimension nouvelle. Pour l’instant, en tout cas, les marchés réagissent de manière contradictoire à ces hésitations conjoncturelles : à la hausse pour les produits dopés par le facteur chinois (minerai de fer, étain et autres métaux, pétrole dans une certaine mesure), à la baisse là où le facteur ukrainien se banalise (gaz naturel, engrais, blé, oléagineux).

En ces temps d’incertitude, il n’est pas mauvais de méditer la morale de La Fontaine :
Chacun tourne en réalités
Autant qu’il peut ses propres songes
L’homme est de glace pour les vérités
Il est de feu pour les mensonges
(Le statuaire et la statue de Jupiter)

 


  Ceci est un extrait de la synthèse mensuelle éditée par le Cercle CyclOpe.La version complète de 150 pages est disponible sur abonnement, pour plus d’informations, vous pouvez nous contacter à cyclope@ampersandworld.ch  


 

Brèves de marchés, Février 2023

En 2022, la production chinoise de soja a augmenté de 24 % à 20,3 Mt. Celle de riz a diminué de 2 % à 208,5 Mt. La Chine a aussi produit 137,7 Mt de blé (+ 0,6 %) et 277,2 Mt de maïs (+ 1,7 %).

Alors que la Chine réduit de 5,6 % ses importations de soja à 91,08 Mt en 2022. Le Brésil a fourni 54,4 Mt, les États-Unis 29 Mt (– 10 %), l’Argentine 3,65 Mt et l’Uruguay 1,79 Mt. Rabobank estime que cette tendance devrait se poursuivre : 87 Mt en 2025 et 84 Mt en 2030.

En 2022, la Chine a exporté pour $ 35 milliards de batteries au lithium, une augmentation de 85 % en un an.

Le Brésil va récolter au total près de 190 millions de tonnes de grains (soja, maïs, riz) durant l’été brésilien. Cela dépasse les capacités de stockage existantes (187,9 Mt).

D’après un sondage de Reuters, le prix de l’huile de palme devrait diminuer en moyenne de 23 % en 2023 (en ringgits). Remarquons que la prévision de CyclOpe faite antérieurement est d’une base de 24 % (en dollars). L’Indonésie produirait 48 Mt (+ 2,4 %) et la Malaisie 19 Mt (+ 3 %).

Forte remontée du prix du minerai de fer : à $ 126 la tonne cf Chine, il a augmenté de 7 % en 2023 (au 20 janvier) et de 60 % depuis son point bas de $ 79 le 31 octobre. La reprise des importations chinoises en janvier est nette (115 à 116 Mt estimé par Kpler et Refinitiv) et pourrait même battre le record de juillet 2020 (112,6 Mt).

Alors que l’Argentine est affectée par une sécheresse historique, le Brésil assure le relais en termes d’exportations de blé. En janvier, 803 000 tonnes ont été chargées et au total, le Brésil devrait exporter plus de 3 Mt sur 2022-2023.

La Commission européenne a fait une proposition de plafonnement du prix des produits pétroliers russes à $ 100 le baril et à $ 45 pour le fioul.

D’après l’analyste australien Green pool, le marché du sucre serait déficitaire d’un million de tonnes en 2023-2024 avec une production de 192, 8 Mt. La production indienne diminuerait de 2,3 Mt à 24,5 Mt. Le sucre a connu deux campagnes excédentaires : 2021-2022(1,44 Mt) et 2022-2023 (1,77 Mt).

En 2022, la demande d’or a progressé de 18 % à 4 741 tonnes. Les banques centrales en ont acheté 1 136 tonnes, le plus important tonnage depuis 55 ans.

La grippe aviaire a fait flamber le prix des oeufs aux États-Unis. En Europe aussi, les prix sont en hausse, car l’Ukraine était le premier fournisseur de l’UE.

Après un passage à vide, l’étain est redevenu le métal le plus tendu avec une hausse de 80 % de son prix depuis novembre à plus de $ 32 000 la tonne. La Chine est devenue un importateur net.

Rejet par le gouvernement du Chili d’un projet minier de cuivre dans l’archipel de Humboltd. La mine devait produire 150 000 t de cuivre par an et 12 Mt de minerai de fer.

Net reflux des prix du lithium dans la relative opacité des cotations. En août 2020, la tonne de carbonate était à $ 5 658. En novembre 2022, elle a culminé à $ 84 523. Depuis, on parle de $ 70 000 sans beaucoup de transactions et la réalité des cours serait beaucoup plus basse.

Le marché du zinc a été déficitaire de 228 000 tonnes sur les onze premiers mois de 2022 dans un contexte de baisse tant de la production que de la consommation. Celui du plomb aurait été excédentaire de 8 000 tonnes, d’après l’ILZSG. Pour le cuivre, le déficit aurait été 384 000 tonnes et en fait le marché est en déficit depuis 2018 : on continue à anticiper un excédent en 2023 (160 000 tonnes selon la Cochilco), mais celui-ci résistera-t-il à la pression chinoise ? Enfin, pour le nickel, selon l’INSG, le marché aurait été excédentaire de 90 700 tonnes.

En janvier, les prix alimentaires mondiaux ont poursuivi leur baisse pour se situer d’après la FAO, 18 % en dessous de ceux de mars.

La fin janvier, l’Ukraine avait exporté 27,7 Mt de céréales sur une production estimée en 2022-2023 à 51 Mt. Sur la campagne précédente, avec une production record de 86 Mt, les exportations à ce stade étaient de 39,2 Mt. Sur la campagne actuelle, il faut toutefois tenir compte des reports de l’année précédente. Les exportations se répartissent entre 9,9 Mt de blé, 15,9 Mt de maïs et 1,8 Mt d’orge.

En 2022, la Chine a importé en moyenne 10,17 mbj de pétrole (– 0,9 %). En 2020, la Chine avait importé un record de 10,8 mbj. Les importations de gaz naturel ont diminué de 9,9 % pour l’essentiel du GNL. Les importations de charbon (293 Mt) ont diminué de 9,2 %. Pour le pétrole, la Chine a importé 1,72 mbj de Russie (+ 8 %) et 1,75 mbj d’Arabie saoudite.

Les importations mondiales de GNL ont été de 409 Mt en 2022 d’après Refenitiv, 400, 5 Mt pour Kpler (contre des estimations de 386,5 et 379,6 respectivement en 2021), le Japon 73,6 Mt, l’Inde 20 Mt. L’Europe, par contre, a importé 125 Mt (+ 59 %) à 52 Mt en provenance des États-Unis et pour 16 Mt de Russie !

En 2022, la Chine a encore battu un record de production de charbon avec 4,496 milliards de tonnes (+ 9 %). En 2023, la capacité de production chinoise dépassera les 5 milliards de tonnes.

En février, les États-Unis battront un nouveau record de production de pétrole de schiste à 9,38 mbj : 5,64 mbj pour le Permian, 1,23 mbj pour le Bakken, 1,21 mbj pour Eagle Ford. Ceci étant, la croissance la production diminue peu à peu. Pour le gaz de schiste, record aussi à 96,7 milliards de pieds cubes/jour (35,4 pour les Appalaches, 21,7 pour le Permian et 16,6 pour ) Haynesville.

En janvier l’OPEP a produit 28,87 mbj de pétrole, en baisse de 50 000 bj sur décembre. Cette baisse est surtout due au Nigeria.

L’AIE estime à 101,7 mbj en 2023 (+ 1,9 mbj) la demande mondiale de pétrole. La prévision de l’OPEP est 101,8 mbj (+ 2,2 mbj). Comme toujours, Goldman Sachs est le plus optimiste avec une hausse de la demande de 2,7 mbj.

L’hiver est tellement doux que pour la première fois pour un mois de janvier, on a restocké du gaz aux États-Unis et les prix sont retombés au-dessous de $ 2,50 le mbtu.

Boom sur le marché des méthaniers pour transporter le GNL : 163 commandes en 2022. les besoins sont considérables. La seule expansion du champ Qatari de Northfield impliquera en 2027 un besoin de 150 navires supplémentaires (il y en a 643 en opération actuellement). Le court moyen d’un navire est de $ 250 millions.

Début février, les prévisions pour la moyenne des prix du gaz naturel en 2023 sur le TTF étaient en nette baisse avec une fourchette allant de € 60 à € 95 le MWh. CyclOpe reste au-delà de € 100 ! ING par exemple, a réduit sa prévision de € 125 à € 70. Le 1er février, les stocks européens (UE et Royaume-Uni) s’élevaient à 807 TWh, 261 TWh de plus que la moyenne décennale.

En janvier, les revenus énergétiques de la Russie sont tombés à leur plus bas depuis août 2020, en baisse de 46 % en un an : ceci est lié notamment aux 42 % de baisse du prix du pétrole russe (Oural) : en janvier, le baril d’Oural était en moyenne à $ 49,48, quelques $ 30 de moins que le Brent.

En janvier, les prix alimentaires mondiaux ont poursuivi leur baisse pour se situer d’après la FAO, 18 % en dessous de ceux de mars.

En janvier 70 % des cargaisons de pétrole Oural étaient destinées à l’Inde. La Russie est devenue le principal fournisseur de l’Inde.

Nouvelle flambée des prix du charbon à coke à $ 345 la tonne à Singapour (+ 70 % depuis le plus bas de 2022). Le minerai de fer a presque atteint les $ 130 la tonne (+ 57 %). Pour le charbon à coke, si les importations indienne et japonaise ont un peu augmenté, la principale raison de la hausse est liée aux inondations en Australie et à des problèmes ferroviaires.

La Russie continue à exporter « normalement » du GNL sur l’Europe (17 Mt en 2022) qui n’est pas affecté par les sanctions.
Le russe Novatek est aussi en discussion avec des acheteurs indiens qui pourraient payer en roupies.

En janvier, le diesel russe représentait encore 450 000 bj d’importations européennes (27 %). Les États-Unis ont exporté 237 000 bj sur l’Europe.

 


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