Voilà la fin de l’hiver ! Une nouvelle fois, il a été plutôt clément dans l’hémisphère nord et en particulier en Europe qui, par exemple, le termine avec un niveau de stock de gaz record (58,72 %). C’est peut-être là l’une des seules conséquences positives du changement climatique que de rendre la transition moins douloureuse en donnant un avantage financier au gaz naturel qui reste, à notre sens, le maillon nécessaire entre le temps des fossiles et celui des renouvelables.

Parmi ces derniers, il va falloir prêter attention au marché des panneaux solaires victime d’un véritable étouffement par la Chine : celle-ci disposera en 2024 d’une capacité de production de 1 100 GW, soit trois fois la demande mondiale ! Résultat, un dumping avec des prix de 10 à 11 cents US le watt là où les coûts de production s’étagent entre 15 et 20 cents. Sauf production protégée comme aux États-Unis (et encore), il est impossible de produire des panneaux solaires en Occident et la dépendance sera bientôt totale.

Face à la transition énergétique, les États-Unis ont avec l’IRA une stratégie défensive. La Chine est à l’attaque et force est de constater que l’Europe reste sans défense, sans volonté. Ce sera là le grand échec de la Commission von der Leyen et en particulier de Jan Timmermans qui en fut le maître à penser avant que d’être renvoyé dans ses foyers par les électeurs néerlandais. Bruxelles s’est concentré sur une stratégie d’interdits et de contraintes sans chercher à inciter ni même à convaincre. La guerre aux portes de l’Europe n’a rien arrangé, mais elle a renforcé un peu plus l’indécision qui reste la caractéristique des méandres bruxelloises. Peuplée de personnages de second plan, la Commission souffre bien sûr de l’ambiguïté de son statut, de son manque de légitimité. On se souvient en 2019 des marchandages qui avaient précédé la désignation de Madame von der Leyen. Qu’en sera-t-il fin juin prochain ? Pour l’instant, l’impression est celle d’une grande débandade où, à quelques semaines des élections, on lâche un peu partout du lest. Et de toute manière, chacun fera de ces élections sa propre lecture nationale !

Avec raison, les marchés n’y attachent guère d’importance. Il y a bien d’autres soucis dans le monde : l’Ukraine et Gaza bien sûr, le probable duel entre Trimp et Biden, la main de fer chinoise à Hong Kong et ailleurs. Mais, les marchés dopés par la croissance américaine anticipent enfin des baisses de taux. Alors, allons-y pour des records boursiers, pour l’or et le bitcoin, mais aussi pour le cacao et le café Robusta ! Le titre du rapport CyclOpe 2024 (publié le 14 mai) est plus d’actualité que jamais : « Attendre et espérer ».

 


  Ceci est un extrait de la synthèse mensuelle éditée par le Cercle CyclOpe.La version complète de 150 pages est disponible sur abonnement, pour plus d’informations, vous pouvez nous contacter à cyclope@ampersandworld.ch  


 

Brèves de marchés, Mars 2024

 L’OPEP persiste et signe ! L’organisation maintient sa prévision de hausse de 2,25 mbj de la demande de pétrole en 2024 et de 1,85 mbj en 2025. L’écart avec la prévision de l’AIE (1,3 mbj en 2024) est le plus important à ce moment de l’année depuis seize ans. Pour l’AIE, le « peak oil » aura lieu en 2030 alors que l’OPEP ne le voit pas avant 2050. De son côté, l’EIA américaine anticipe une hausse de la production américaine de 260 000 bj en 2024 pour atteindre 13,19 mbj. En 2023, en moyenne, les États-Unis ont produit un record de 12,9 mbj (et 13,3 mbj en décembre). Pour 2025, l’augmentation serait de 460 000 bj. Ceci étant, EIA prévoit un prix moyen du Brent de $ 87 le baril en 2024 en jouant sur les réductions de production de l’OPEP+ (l’OPEP qui a augmenté sa production de 203 000 bj en février grâce à la Libye et au Nigeria). La prévision de l’EIA pour la demande mondiale en 2024 est de + 1,43 mbj.

 Malgré les niveaux soutenus des achats de GNL en Asie (22,59 Mt en mars d’après Kpler, + 4,2 % sur mars 2022), les prix sont en forte baisse à $ 8,60 le mbtu (– 41 % sur mars 2022). À ce prix, des pays comme l’Inde et le Bangladesh augmentent leurs achats. Par contre, les contrats à long terme indexés sur le prix du Brent (13,5 % du prix du baril en général) seraient autour de $ 11 le mbtu, ce qui limite les achats de pays comme le Japon et la Corée. Au premier trimestre 2024, S and P a identifié 161 cargaisons sur le marché spot (125 en 2023), avec un prix moyen en Asie de $ 9,82 le mbtu. D’après l’ICIS, la Chine achèterait 17 Mt en 2024 sur le marché spot. En mars, les États-Unis ont exporté 7,61 Mt de GNL, plus de la moitié destinée à l’Europe (57 %) et un tiers à l’Asie.

 Sur les deux premiers mois de 2024, la Russie est restée le premier fournisseur de pétrole de la Chine avec 2,16 mbj. Sur la variété ESPO d’Extrême-Orient, il n’y a pratiquement plus de discount par rapport au Brent. L’Arabie saoudite a fourni 1,64 mbj et la « Malaisie » (des transferts d’Iran et du Venezuela en réalité) 1,09 mbj.

 Légère baisse de la production de Pétrole de l’OPEP en mars à 26,42 mbj d’après Reuters (– 50 000 bj sur février). L’Irak en particulier a diminué sa production, mais on reste encore à 190 000 bj des coupures annoncées par l’OPEP.

 La Chine et l’Inde ont importé des tonnages record de charbon en mars : 29,7 Mt pour la Chine (20 Mt d’Indonésie et 5 Mt d’Australie), 15,2 Mt pour l’Inde. Au total, la Chine a importé 37,43 Mt au premier trimestre (+ 16,9 %).

 En 2023, l’UE a importé 15 % de son gaz de Russie. Les gazoducs ont été remplacés par le GNL exporté par Novatek et Gazprom à hauteur de 15,6 Mt, 38 % de plus qu’en 2021. Sur le marché espagnol, le gaz d’origine russe se vendait, fin 2023, un euro de moins le MWH que le TTF. Parmi les traders concernés par les ventes de GNL russe en Espagne, on trouve notamment Gunvor.

 Autre facteur haussier pour le marché du pétrole, la décision du Mexique de réduire de 330 000 bj ses exportations en mai à la suite de problèmes rencontrés par Pemex. De plus, malgré la hausse des prix du baril, les forages ne reprennent pas aux États-Unis, plombés par la faiblesse des prix du gaz naturel (à $ 1,80 le mbtu). En 2024, la production américaine ne devrait augmenter que de 260 000 bj contre 1 mbj en 2023.

 La faiblesse des prix du gaz naturel aux États-Unis est telle que dans l’ouest du Texas, les prix ont été négatifs au stade des puits et au hub de Waha.

Minerais et métaux

 D’après Rystad, la production de lithium n’augmenterait que de 27 % en 2024 (contre une prévision antérieure de 42 % !). La production chinoise à partir de lépidolite serait la première affectée, car les coûts de production (80 à 120 000 yuans la tonne de carbonate) sont à peine couverts par les prix de marché (100 000 yuans) et sont le double de ceux provenant des saumures (brine) et du spodumène. Les mines de lépidolite de la province du Jiangxi, dont celles des fabricants de batteries CATL et Yongxing, seraient à l’arrêt.

 Les exportations d’étain d’Indonésie sont pratiquement à l’arrêt : 58 tonnes au janvier/février contre 4 700 tonnes en 2023 sans que l’on comprenne très bien qu’elle est la stratégie suivie par les autorités indonésiennes. Au même moment, la production de la mine de Man Maw dans l’état de Wa au Myanmar est suspendue depuis août. À court terme, le marché excédentaire de 9 700 tonnes en 2023 d’après l’ITA, peut absorber ces chocs. Mais à moyen terme, la situation pourrait être plus tendue et le marché, en hausse de 9 % en 2024, en tient compte.

 En Zambie, la mine de cuivre de Lubambe est l’objet de l’intérêt tant de chinois que d’émiratis (IHC, la plus importante capitalisation d’Abu Dhabi).

 D’après le Worl Platinum Council, le marché du platine sera en déficit de 500 000 onces par an jusqu’en 2028. Macquarie anticipe en 2025 le platine à $ 1 250 l’once et le palladium par contre en baisse à $ 800 l’once.

 La République démocratique du Congo (RDC) a été en 2023 le deuxième producteur mondial de cuivre avec 2,84 Mt, dépassant le Pérou (2,76 Mt). Ceci étant, le Pérou a exporté plus que le RDC en puisant dans ses stocks (2,95 Mt).

 En 2023, le chilien Codalco n’a produit que 1,32 Mt de cuivre contre 1,44 Mt en 2022. C’est le niveau de production le plus faible depuis vingt-cinq ans et il ne sera pas plus élevé en 2024. De son côté, le gouvernement indonésien a décrété un embargo des exportations de concentré à compter de juin pour obliger les mineurs (Freeport en particulier) à accélérer la construction et la mise en route de fonderies.

 Goldman Sachs est toujours aussi « bullish ». Ses prévisions – à consommer avec modération – sont de $ 2 300 l’once pour l’or et m$ 10 000 la tonne pour le cuivre en fin d’année, ce qui est assez vraisemblable ; $ 2 600 pour l’aluminium et le pétrole entre $ 70 et $ 90 le baril (là aussi tout à fait possible). Par contre, anticipation de baisse de 9 % en moyenne sur l’année pour le cobalt, de 13 % pour le nickel et de 27 % pour le carbonate de lithium.

 Sur le LME, le cuivre était fin mars en contango avec une différence historique de $ 105 la mois. Morgan Stanley anticipe un déficit de 700 000 tonnes en 2024 et prévoit – plus optimiste que Goldman Sachs (!) – un prix de $ 10 200 au troisième trimestre.

 L’Indonésie veut encore accélérer dans le nickel. D’après le gouvernement, la capacité de production de nickel de qualité batteries devrait quadrupler d’ici 2030 à 1 Mt. La production de fonte de nickel (NPI) augmenterait encore de 15 % dans les trois ans.

 D’après l’ITA, le marché de l’étain a été en léger excédent de 9 700 tonnes en 2023 pour une production d’étain raffiné de 370 100 tonnes (– 2,1 %) dont 177 000 tonnes en Chine.

 Alors que le marché du nickel a été excédentaire de 13 400 tonnes en janvier, l’INSG anticipe un excédent pour l’année de 239 000 tonnes à peu près équivalent – malgré de nombreuses fermetures – à celui de 2023.

Grains

 Les prix du blé continuent à baisser et sont passés pour le blé russe en dessous de $ 200 la tonne. Résultat des importateurs chinois ont reporté ou annulé des commandes de 500 000 tonnes de blé américain et d’un million de tonnes de blé australien. Incontestablement, la mer Noire inonde le marché. Par rapport aux premières estimations de l’USDA, sur les deux campagnes 2022/2023 et 2023/2024, les exportations de blé et de maïs ont dépassé de 53 Mt les anticipations !

 Le CIG anticipe pour 2024/2025 une récolte record de céréales à 2 332 Mt (2 504 la saison précédente) avec une consommation à peu près équivalente à 2 331 Mt. Il y aurait1 233 Mt de maïs (contre 1 227), 799 Mt de blé (789 Mt). Par ailleurs, la production de soja passerait de 390 Mt à 413 Mt.

 L’Inde ne produirait que 105 Mt de blé en 2024, 6,25 % de moins que les estimations du gouvernement (112 Mt). En mars, les stocks publics, à 9,7 Mt, étaient au plus bas depuis 2017. La Food Corporation of India devrait acheter 31 à 32 Mt cette année contre 26 en 2023. En clair, l’Inde

 La récolte de soja au Brésil promet d’être record : le consultant Agro- Consult l’estime à 156,5 Mt alors que l’agence publique Conab est à 146,9 Mt et l’USDA à 155 Mt : des chiffres de toute manière impressionnants !

 Récolte record, mais cette fois-ci de maïs en Chine pour laquelle l’USDA anticipe une production de 269 Mt en 2024/2025 (261 Mt, il y a quatre ans). Les importations chinoises pourraient diminuer de 23 Mt à 20 Mt et là-dessus, les États-Unis devront tenir compte de la concurrence du Brésil.

 L’indicateur FAO des produits alimentaires a été en hausse de 0,8 % en mars par rapport à février, mais se situait 7,7 % en dessous de mars 2023. En hausse, les huiles (+ 8 %), les produits laitiers (+ 2,9 %), les viandes (+ 1,7 %) contrebalancent les céréales (– 2,6 %), le sucre (– 5,4 %).

Produits agricoles tropicaux

 Les industriels ivoiriens et ghanéens ont des difficultés à acheter du cacao du fait de la flambée des prix. Pour la quatrième campagne consécutive, le marché sera déficitaire selon l’ICCO de 374 000 tonnes avec une baisse de la production de 10,9 %. Certains parlent déjà d’un déficit possible pour la campagne 2024/2025. Sur le terrain en Côte d’Ivoire, alors que le prix officiel au planteur est de 1 095 FCFA le kg, certains acheteurs vont jusqu’à payer 1 500 FCFA. C’est justement à ce niveau qu’a été relevé le prix bordchamp à compter du 1er avril sur une décision du président Ouattara. Dans la foulée, le hana a augmenté de 50 % ses prix aux planteurs.

 Le courtier Stone X anticipe un excédent mondial de sucre en 2023/2024 de 3,88 Mt en réévaluant ses perspectives de production pour l’Inde (32,8 Mt) et la Thaïlande (9,1 Mt).

 Le café est aussi à la fête surtout pour le Robusta au plus haut depuis seize ans à Londres et même en moyenne mensuelle depuis octobre 1994 à 169,4 cents/lb en mars 2024. Alors que le Vietnam souffre de conditions climatiques difficiles et des problèmes de la mer Rouge, ce sont les « conilons » du Brésil (22,7 millions de sacs en 2024) qui en profitent.

 D’après l’ICAC, la production mondiale de coton augmenterait de 2,5 % en 2024/2025 à 25,2 Mt pour une consommation en progression de 2,9 % à 25,37 Mt. Les échanges mondiaux (+ 4 %) seraient de 9,94 Mt. Pour la campagne 2023/2024, l’ICAC anticipe un prix moyen de 92,20 cents/lb. Pour les semaines à venir, Mambo anticipe un plancher autour de 85 cents.

 


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