2023 a commencé en Europe sur un ton presque léger. Oh, certes, le canon continue à gronder en Ukraine, le Covid ravage la Chine, la récession guette un peu partout, mais voilà on a presque fêté Noël au balcon !

Les tensions sur les marchés de l’énergie se sont un peu estompées et en Europe, sur le TTF, le gaz naturel serait presque bradé à moins de € 70 le MWh (ce qui fait quand même à peu près $ 130 le baril équivalent pétrole alors que le Brent tourne autour de $ 80). Même avec de nouvelles vagues de froid, l’Europe devrait parvenir à éviter cet hiver pénuries et coupures de gaz et d’électricité.

Ceci étant les prix du gaz — et de l’électricité — sont quand même quatre à cinq fois plus élevés que durant la dernière décennie. Et puis nul ne sait ce qu’il va advenir de la guerre en Ukraine, mais si l’on prend l’hypothèse — à peu près réaliste — qu’il n’y aura presque pas de gaz russe en Europe en 2023 (un peu de GNL, un petit tuyau vers la Moldavie), la reconstitution des stocks pour aborder l’hiver 2023/2024 promet d’être difficile et surtout coûteuse. La crise énergétique n’est pas terminée et nous entrons au contraire dans sa deuxième phase, celle de sa « digestion » tout au long des chaînes de valeur avec des hausses de prix et donc de l’inflation qui ne sera pas cantonnée aux seuls carburants, au gaz et à l’électricité. L’Europe reste là en première ligne, beaucoup plus exposée en tous points que les États-Unis (où le gaz naturel vaut six fois moins cher qu’en Europe ou en Asie). Cela est d’autant plus vrai que sur le marché du GNL, pour lequel il n’y aura pratiquement pas d’augmentation de capacité de liquéfaction en 2023, l’Europe sera en concurrence avec l’Asie, et surtout la Chine.

Ceci nous ramène à l’autre grande interrogation de ce début d’année. Où va la Chine ? Le passage brutal du « zéro-covid » à l’« infini Covid » a surpris tous les observateurs. Le pari en est simple : au prix peut-être d’un million de morts et d’un arrêt de la croissance, accéder rapidement à l’immunité collective et retrouver une situation « normale » dès le second semestre 2023. Le pari est risqué pour une population peu et mal vaccinée. Au-delà, la Chine va-t-elle retrouver un niveau de croissance proche de ce qui est probablement l’objectif des autorités (5 %) et donc sa place en termes de consommation et d’importations de matières premières ? Cette question vaut en particulier pour le GNL, le pétrole et le charbon ainsi que la plupart des métaux non ferreux ainsi que le minerai de fer.

« Noël aux balcons, Pâques aux tisons », dit le dicton. La situation géopolitique mondiale a de quoi inquiéter avec la montée des populismes, des tensions sociales, la paralysie des instances internationales à l’image de l’OMC (en situation de « mort clinique »…). Le temps de la mondialisation « heureuse » est bien oublié que ce soit dans les tranchées ukrainiennes, dans les hôpitaux chinois et même face à ce climat qui surprend l’Europe par sa douceur en ce début 2023.

 


  Ceci est un extrait de la synthèse mensuelle éditée par le Cercle CyclOpe.La version complète de 150 pages est disponible sur abonnement, pour plus d’informations, vous pouvez nous contacter à cyclope@ampersandworld.ch  


 

Brèves de marchés, janvier 2023

En 2022, la production chinoise de soja a augmenté de 24 % à 20,3 Mt. Celle de riz a diminué de 2 % à 208,5 Mt. La Chine a aussi produit 137,7 Mt de blé (+ 0,6 %) et 277,2 Mt de maïs (+ 1,7%).

D’après le consultant Hedgepoint, le marché du café passerait d’un déficit de 2,17 m
de sacs en 2022/2023 à un excédent de 3,74 m de sacs en 2023/2024. La production du Brésil augmenterait de 59 m de sacs à 65/69 m de sacs. Pour la production brésilienne, Rabobank anticipe 68,5 Mt, mais d’autres analystes sont plus pessimistes entre 50 et 56 m de sacs.

Sur l’année fiscale 2022/2023, l’Australie devrait engranger A$ 459 milliards de recettes à l’exportation de commodités : À$ 113 milliards pour le minerai de fer, A$ 76 milliards charbon thermique (+ 65 %), A$ 90 milliards pour le GNL, A$ 57 milliards pour le charbon à coke, A$ 16 milliards pour le lithium.

L’Indonésie annonce un embargo sur ses exportations de bauxite à compter de juin 2023 afin de favoriser la transformation locale en alumine. Sur les onze premiers mois de 2022, la Chine a importé 18 Mt de bauxite indonésienne. Mais la stratégie qui a réussi à l’Indonésie pour le nickel sera plus complexe pour l’aluminium et ses besoins en énergie.

Le Kazakhstan bat des records de production avec 23 Mt de céréales (+ 27 %). La production de blé augmenterait de 30 %. Au total, le pays pourrait exporter 10,5 Mt de céréales. À l’inverse, la production de blé de l’Argentine ne serait que de 11,5 Mt d’après la Bourse de Rosario (contre une estimation de 19 Mt en mai). Selon la même source, l’Argentine produirait 56 Mt de maïs et 48 Mt de soja.

Après des années de baisse, le coût des batteries a rebondi en 2022 avec la hausse des prix des métaux comme le lithium : en 2022, on est remonté à $ 151 le kWh (on était à $ 1 160 le kWh en 2010). Pour l’industrie automobile, le seuil de compétitivité devrait être à $ 100.

L’Australie devrait produire un record de 42 Mt de blé. En décembre, l’ABARES ne prévoyait que 36 Mt.

Le plomb a été un des métaux les plus fermes de 2022 avec un déficit de 46 000 tonnes sur les dix premiers mois de l’année(ILZSG). Si le marché chinois est excédentaire, le reste du monde est largement déficitaire (– 132 000 t). Le plomb va faire aussi son entrée dans l’indice Bloomberg des Commodités qui est suivi par un certain nombre de fonds.

D’après l’ICSG, la production du cuivre dans le monde aurait augmenté de 3,9 % en 2022 et augmenterait de 5,3 % en 2023. Par contre la production de cuivre raffiné ne progresserait que de 2,8 % et 3,3 % respectivement. Ceci explique la hausse des charges de raffinage (TC/RC) à $ 88 la tonne (+ 35 %) pour 2023. L’ICSG anticipe un déficit de marché de 328 000 tonnes en 2022 et un excédent de 155 000 tonnes en 2023.

D’après l’INSG, le marché du nickel a été excédentaire de 78 000 tonnes sur les dix premiers mois de l’année avec notamment une hausse de 15,8 % de la production de métal. Alors que le lithium se maintient autour de $ 80 000 la tonne (équivalent carbonate), Goldman Sachs, pour une fois baissier, anticipe un prix de $ 11 000 en 2024 sur la base de la quarantaine de projets de développement en cours (avec semble-t-il des coûts de l’ordre de $ 20 000).

Après 28 % de hausse en 2021, l’indice FAO des produits alimentaires a augmenté de 14,3 % en 2022 (dont 17,9 % pour les céréales).

La vague de froid qui a saisi l’Europe dans la première quinzaine de décembre a mis les marchés de l’électricité sous tension. C’est particulièrement le de vent a fait baisser la part de l’électricité éolienne de 28,2 % en moyenne à 3,8 % le lundi 12 décembre. Il a fallu tirer sur le gaz naturel dont les stocks sont beaucoup plus faibles que sur le continent et sur les importations d’électricité elles-mêmes limitées par la capacité des câbles et par les faibles disponibilités françaises. Résultat, les prix aux enchères britanniques ont battu un record le 12 décembre à £ 675 le MWh.

L’OPEP est optimiste sur le rebond de la Chine et donc sur la demande de pétrole qui devrait augmenter en 2023 de 2,25 mbj (+ 2,3 %). En 2022, la demande chinoise aura diminué de 180 000 bj à 14,79 mbj. En novembre, l’OPEP a produit 28,83 mbj en baisse de 744 000 bj par rapport à octobre ; en décembre, l’OPEP aurait produit 29 mbj d’après Reuters. L’AIE de son côté chiffre à 1,7 % la croissance de la demande mondiale pour atteindre 101,6 mbj.

En 2023, les États-Unis pourraient — pour la première fois depuis 1945 — devenir exportateurs nets de pétrole. En novembre 2022, les États-Unis ont été importateurs nets de seulement 1,1 mbj. Au premier semestre 2022, ils étaient devenus le premier exportateur mondial de GNL.

Finalement, le Conseil des ministres de l’Énergie de l’UE a trouvé un accord pour plafonner le prix du gaz naturel en Europe : € 180/MWh sur le contrat à un mois (month ahead) du TTF et si le prix européen dépasse de plus de € 35 le prix de référence du GNL. En 2022, le TTF a clôturé 64 jours au-dessus de € 180 avec un record à € 343 fin août. De son côté, la Pologne a introduit un plafond à € 43 pour protéger les consommateurs.

En novembre, la Russie a été le premier fournisseur de pétrole de la Chine avec 7,8 Mt(1,9 mbj). Par ailleurs, on estime que la Chine a importé 4,7 Mt en provenance d’Iran (qui n’apparaît pas officiellement).

Alors que le plafonnement du pétrole russe entre en vigueur, le prix de l’Oural n’a jamais été aussi bas par rapport au Brent : $ 47 le baril contre $ 79 vers le 20 décembre. Ceci étant, les autres bruts russes (Sakol, ESPO) de bien meilleure qualité se traitent presque à parité avec le Brent. Même en tenant compte d’un fret plus élevé (circa $ 5 le baril), les acheteurs asiatiques se précipitent sur l’Oural, le raffinent réexportent… vers l’Europe en décembre d’après Rystad Energy). Et à des prix inférieurs à $ 60, les assureurs occidentaux peuvent couvrir les navires.

En 2022, l’Allemagne a été exportatrice nette d’électricité. Pour une production de renouvelables de 240 Twh (+ 8,5 %), l’Allemagne a importé 51 Twh et exporté 78,5 Twh, notamment vers la France…

En 2022, l’Australie a été le premier exportateur mondial de GNL avec 10,7 bcfd devant les États-Unis (10,6). 69 % des exportations américaines sont allés vers l’Europe. En 2022, les prix du gaz ont été de $ 41 le mbtu en Europe (TTF), $ 34 sur le JKM en Asie et $ 7 aux États-Unis(Henry Hub). Fin 2022, les prix étaient respectivement de $ 29 en Asie, $ 22 en Europe et $ 4 aux États-Unis.

La baisse du prix du gaz en Europe s’explique par le niveau des stocks. L’hiver devrait se terminer avec des stocks à 50 %, autour de 550 Twh pour une capacité totale de 1 129 Twh. C’est un niveau très élevé, la moyenne des dix dernières années étant de 345 Twh.

La Chine a mis fin à l’embargo partiel sur le charbon australien.

Jamais avare d’une révision, Goldman Sachs anticipe maintenant un prix moyen du pétrole en 2023 de $ 90 le baril de Brent. Capital Economics de son côté a revisé sa prévision de prix du gaz naturel sur le TTF en fin d’année 2023 à € 100 le MWh.

 


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