A l’approche de l’automne, l’actualité des marchés internationaux est toujours occupée par la Russie et cela sur les deux fronts traditionnels : l’énergie et les céréales. Dans les deux cas, la Russie est paradoxalement en position de force. Sur le front pétrolier, l’alliance entre la Russie et l’Arabie saoudite porte ses fruits avec le baril de pétrole Brent qui, au début septembre a passé pour la première fois depuis novembre 2022 la barre des $ 90.

La « sucette saoudienne » (une réduction de production de 1 mbj) a bien fonctionné. La Russie s’y est associée à hauteur de 300 000 bj dont la réalité reste quand même à vérifier. Résultat, le pétrole russe (l’Oural départ port russe) se négocie autour $ 70 bien au-delà du plafond bas des $ 60 décrétés en décembre 2022 dans le cadre des sanctions des pays occidentaux. La balle est dans le camp du G7 qui… ne fait rien. La Russie a de toute manière réussi à éviter les contraintes occidentales pour une bonne partie de ses exportations : des sociétés de négoce apparues ex nihilo et utilisant souvent le « paradis » de Dubaï, des navires de seconde ou de troisième main certifiés par un registre indien particulièrement laxiste, des assureurs russes, chinois ou indiens peu regardants…

En ce qui concerne le gaz naturel, l’essentiel des « tuyaux » dirigés vers l’Europe est fermé ou détruit (Nordstream). La Russie exporte vers la Chine, mais les capacités de « l’orgueil de Sibérie » restent limitées. Par contre, le GNL échappe aux sanctions et l’Europe ne se prive pas en 2023 d’importer du GNL russe, une curieuse lacune dans l’arsenal des sanctions. Dans un autre domaine, remarquons que le LME continue à accepter dans ses entrepôts de l’aluminium russe.

Il y a enfin les céréales. L’accord sur le corridor céréalier n’a pas été renouvelé à la mi-juillet et depuis, les ports ukrainiens du Danube ont été copieusement bombardés. De ce fait, les exportations ukrainiennes ont diminué (3,4 Mt en juillet contre 4,8 Mt en juin), mais même sans le corridor, l’Ukraine devrait pouvoir exporter un disponible en forte baisse du fait des contraintes de la guerre sur la production agricole. L’Ukraine par ailleurs pèse peu sur le marché du blé et reste avant tout un exportateur de maïs. Pour le blé, et donc pour la situation alimentaire mondiale, c’est la Russie qui compte et cela d’autant plus qu’avec le retour d’El Niño, des pays comme l’Australie, l’Inde, la Chine sont à la peine en termes de production. Vladimir Poutine a beau jeu d’utiliser « l’arme alimentaire » et à durcir sa position sur une éventuelle réouverture du corridor céréalier dont le président turc, RT Erdogan, a fait, un enjeu personnel. Le prix plancher institué par les autorités russes (autour de $ 260 la tonne fob) est presque devenu un prix minimum mondial.

Tout ceci peut expliquer que l’élargissement des BRICS largement décidé par la Chine inclue nombre d’alliés objectifs de la Russie : l’Arabie saoudite et l’Iran bien sûr, l’Égypte qui dépend de son blé, les Émirats avec le rôle de Dubaï devenu la plaque tournante du commerce russe…

Plus que jamais, en cet automne 2023, la géopolitique est au cœur des tensions sur les marchés. Ajoutons-y les incertitudes sur la croissance chinoise et les menaces que fait peser El Niño sur les productions agricoles (avec en vedette le sucre et le cacao) et on a là les ingrédients d’une rentrée chargée de nuages bien menaçants

 


  Ceci est un extrait du résumé mensuel publié par le Cercle CyclOpe. La version complète, couvrant 150 pages, est disponible par abonnement. Pour plus d’informations, veuillez nous contacter à l’adresse : cyclope@ampersandworld.ch.


Brèves de marchés, Septembre 2023

Les chiffres d’importations chinoises du mois d’août contrastent avec la morosité économique dominante : pour le pétrole, à 12,43 mbj l’augmentation est de 20,9 % sur juillet, de 30,9 % sur août 2022 (à l’époque en plein « zéro covid »). Sur les huit premiers mois de l’année, les importations chinoises ont augmenté de 14,7 %. Ceci peut s’expliquer par la reconstitution de stocks et par l’augmentation des exportations de produits raffinés grâce à des marges de raffinage en forte hausse ($ 12,60 le baril en août contre $ 6,60 en juillet). Les importations de gaz naturel à 10,86 Mt sont en progression de 22,7 % sur un an. Pour le minerai de fer, la hausse est de 13,8 % par rapport à juillet à 106,42 Mt (+ 7,4 % pour les huit premiers mois de l’année). Là aussi, on note une forte augmentation des exportations d’acier (+ 28 % sur huit mois à 59 Mt). Il est intéressant d’ailleurs de mesurer la dépendance aux importations chinoises de ses principaux fournisseurs que ce soit de pétrole, de fer, de cuivre, de nickel…

La production de grains du Brésil bat des records sur la campagne 2022/2023 (qui se termine en octobre) : d’après la Conab, on atteindrait 131,8 Mt de maïs et 154,6 Mt de soja. Céréales et graines oléagineuses confondues, le Brésil produirait 323 Mt et exporterait près de 100 Mt de soja et 50 Mt de maïs.

Du fait de sécheresses, les principaux producteurs et exportateurs de blé affichent des productions en baisse en 2023/2024 : au moins 10 Mt de moins en Australie (autour de 25 Mt soit une baisse de 30 % par rapport au record de l’année précédente) ; des baisses aussi du Canada, en Argentine, en Chine, en Inde (5 à 10 Mt de moins). Sur le marché, début septembre, l’Égypte a acheté 480 000 tonnes de blé russe à $ 270 la tonne cf ce qui serait peut-être inférieur au prix plancher institué par les autorités russes ($ 265 fob ?).

En 2023, le marché du platine devrait être déficitaire d’un million d’onces sur une offre de 7,2 millions d’onces d’après le World Platinum Investment Council. La demande augmenterait de 28 % à 8,2 millions d’onces. Fin 2023, les stocks disponibles ne représenteraient que cinq mois de consommation et ils sont pour l’essentiel en Chine !

La hausse des prix du sucre est particulièrement forte en Europe : + 80 % en un an en Allemagne d’après la fédération de la confiserie qui réclame une baisse des droits à l’importation de sucre sur un marché européen désormais déficitaire. Ceci étant, le Brésil devrait réaliser en 2023/2024 une production record (42,7 Mt) et exporter 32,2 Mt contre 27,1 Mt la saison précédente

La Chine a décidé, début août, de supprimer les taxes antidumping qui avaient été mises en place en 2020 sur l’orge australienne.

Le marché du cobalt reste excédentaire avec le retour en production de la mine de Tenke Fungurume (15 000 t) du chinois CMOC en RDC. D’après Macquerie, l’excédent mondial serait de 8 600 t en 2023, 10 200 t et 10 400 t en 2024/2025. Il y aurait par ailleurs 50 000 t de capacités en DRC susceptibles d’entrer en production en 2027

Le jus d’orange a été une des « stars » de l’été 2023 avec des prix qui sur le marché à terme de New York ont dépassé pour la première fois les $ 3/lb. Ceci est lié à la baisse de la production en Floride au plus bas depuis 56 ans à 2,3 Mt. Certains disent même que c’est la plus faible récolte depuis un siècle !

La décision de l’Inde de limiter ses exportations de riz (embargo sur le riz non-basmati) ce qui, de facto, retire 10 Mt au marché mondial, a entraîné une hausse des prix : le riz Thai 5 % de brisures est ainsi passé de $ 545 à $ 650 la tonne. Certains n’hésitent pas à faire référence à 2008 lorsque les prix avaient atteint les $ 1 000 la tonne. Par ailleurs, un prix minimum à l’exportation de $ 1 200 la tonne pour le riz basmati a été mis en place

D’après un sondage de Reuter, le prix du café Robusta serait de $ 2 300 la tonne en fin d’année, en hausse de 28 % sur l’année précédente. Le Vietnam produirait 29,6 m de sacs en 2023/2024. Le prix de l’Arabica serait de 153 cents/lb, en baisse de 8 % par rapport à 2022 avec une production record de près de 70 millions de sacs en 2024/2025. Le marché mondial du café serait en léger excédent de 1 million de sacs en 2023/2024 après un déficit de 3,7 millions de sacs.

D’après le CIG, la production mondiale de maïs serait de 1 221 Mt en 2023/2024 (1 160 Mt l’année précédente). La production de blé serait de 784 Mt.

L’Inde s’apprêterait à importer du blé de Russie : on parle de 4 à 8 Mt que la Russie pourrait fournir avec un rabais de $ 25 à $ 40 la tonne.

En juillet 2023, le carnet de commandes des chantiers navals pour les porte-conteneurs était de 890 unités : 28 % de la flotte actuelle (en termes de capacités de conteneurs) pour une valeur de $ 89,5 milliards. MSC et CMA-CGM ont chacun plus de 115 navires en commande. Mais au premier semestre 2023, la demande mondiale de conteneurs a diminué de 6 % d’après Maersk. Le courtier maritime Clarksons a publié un intéressant graphique sur les cycles du fret maritime mettant en évidence les perspectives positives sur le marché des tankers, du GNL et de l’offshore éolien.

En 2023, les diamants synthétiques représenteraient 16,5 % du marché mondial de la joaillerie contre 3,5 % en 2018. Une pierre naturelle de un carat vaut un peu plus de $ 5 000 contre $ 1 425 pour une pierre synthétique.

Un premier navire chargé d’orge australienne est parti vers la Chine. Depuis 2020 et la mise ne place de tarifs douaniers discriminants (levés début août 2023), l’Australie n’avait plus vendu d’orge à la Chine. En quelques jours, la Chine a acheté 600 000 tonnes d’orge australiennev
Les coûts de production du minerai de fer de BHP ont été en 2022/2023 de $ 17,79 la tonne pour un prix moyen de vente de $ 92,54. La marge diminue, mais BHP a quand même dégagé $ 13,4 milliards de bénéfices.

Après l’annonce de restrictions d’exportation de la Chie, le prix du gallium a augmenté de 50 % à $ 400 le kg.

Le marché du zinc a été excédentaire de 370 000 tonnes au premier semestre 2023 (après un déficit de 161 000 tonnes en 2022) d’après l’ILZSG. celui du plomb a été excédentaire de 25 000 tonnes (139 000 tonnes de déficits en 2022). Le marché du cuivre a été excédentaire de 213 000 tonnes (déficit de 425 000 tonnes en 2022) d’après l’ICSG : le marché du nickel a lui aussi été excédentaire (27 000 tonnes en juin). Enfin, d’après CRU, le marché de l’aluminium serait excédentaire de 800 000 tonnes en 2023.
L’UE a fortement augmenté ses importations de GNL russe pour l’essentiel en provenance de Yamal : une augmentation de 40 % entre janvier et juillet par rapport à 2022 pour un montant total estimé par les prix spot à € 5,29 milliards. Les principaux importateurs sont la Belgique et l’Espagne. Ceci étant, l’Europe est aussi dépendante de la conjoncture internationale gazière : les prix du gaz en Europe ont augmenté en août à la suite des conflits sociaux en Australie autour de Woodside e de Chevron. De son côté, BASF a signé un accord à long terme avec Cheniere pour l’achat de 800 000 tonnes par an de GNL américain (le prix en serait indexé sur le Henry Hub). À la mi-août, l’UE avait dépassé les 90 % de remplissage de ses capacités de stockage (qui était l’objectif au 1er novembre). Le GNL devrait représenter 40 % de l’approvisionnement européen en gaz (20 % en 2021).

L’Arabie saoudite et la Russie ont confirmé leur décision d’étendre leurs restrictions volontaires de réduction de leur production de pétrole jusqu’à la fin de l’année (1 mbj et 300 000 bj respectivement). Le marché a réagi début septembre en passant la barre des $ 90 le baril de Brent. Mais que va-t-il se passer pour le plafond des sanctions sur le pétrole russe ($ 60 fob) ? Le niveau du plafond n’a pas été revu depuis le mois de mars : en moyenne en août, le pétrole russe (Oural) se serait négocié à $ 74 le baril contre $ 56 en moyenne au premier semestre. Début septembre, l’Oural se traitait à $ 67 fob ports russes. La balle est dans le camp du G7.

Les exportations de pétrole brut américain sont en nette augmentation : 4,08 mbj sur les sept premiers mois de 2023 contre 3,53 mbj en moyenne en 2022. Le WTI-Midland pèse ainsi de plus en plus dans le calcul du prix du « Brent ».

D’après le ministère russe des Finances, le baril de pétrole Oural a coté en moyenne $ 64,37 en juillet contre $ 55,28 en juin. En septembre, la Russie devrait réduire ses exportations de 300 000 bj. Ceci étant, sur les marchés début août, l’Oural fluctuait plutôt autour de $ 60. Selon des sources officielles indiennes, l’Inde a payé le pétrole russe (cf) $ 68,17 le baril en juin contre $ 100,48 en juin 2022.

La réouverture de centrales nucléaires au Japon va avoir un impact sur les importations de GNL qui en 203 devraient diminuer de 6 à 7 Mt par rapport aux 72 Mt importées par le Japon en 2022.

Si en France le prix de l’essence tourne autour de deux euros le titre, aux États-Unis aussi on bat des records à 3,90 le gallon en moyenne en août avec des pointes à $ 5 en Californie. Au Brésil, Petrobras a augmenté les prix de l’essence de 16 à 25 %.

En juillet, l’offre mondiale de pétrole a diminué de 910 000 bj, sous l’effet de la réduction saoudienne. Du côté de la demande en 2023, l’AIE estime l’augmentation à 2,2 mbj et l’OPEP à 2,4 mbj. En juin, la demande mondiale a atteint le record de 103 mbj d’après l’AIE. 70 % de l’augmentation de la demande provient de Chine. Mais en août, l’OPEP a augmenté sa production de 220 000 bj pour atteindre 27,56 mbj. ceci est dû à l’augmentation de la production iranienne qui a atteint 3,1 mbj.

Sur le marché des produits raffinés, le diesel russe dépassait à la mi-août le seuil des $ 100 le baril (fob Baltique ou mer Noire) imposé par les sanctions. En trois mois, la hausse aura été de l’ordre de $ 30. Le pétrole brut Oural est quant à lui au-dessus des $ 60 le baril.

 


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