“World is on highway to hell”. L’autoroute vers l’enfer, telle est l’image utilisée par le secrétaire général des Nations unies pour ouvrir la COP27 réunie de manière quelque peu improbable en Égypte, à Charm El Sheik, un lieu de destination balnéaire dont il vaut mieux taire la trace carbone (ainsi d’ailleurs que celle des milliers de délégués et représentants plus ou moins légitimes de la cause climat qui ne rateraient pas pour un empire leur grand « jamboree » annuel).

On aimerait à en sourire si la cause n’était si grave, si comme le disait Jacques Chirac, il y a déjà une vingtaine d’années, la « maison ne brûlait ». Les derniers rapports du GIEC sont éloquents et même les plus doctrinaires des climatosceptiques ne peuvent le nier. Et malheureusement, au-delà de quelques grandes déclarations, la COP27 risque de ne déboucher sur rien de bien concret si ce n’est de se réunir pour… la COP28…

Au coeur de cette crise énergétique majeure que connaît le monde, il y a pourtant quelques bonnes nouvelles : la flambée du prix du gaz va probablement accélérer la transition énergétique. Retour du nucléaire certes, mais aussi arrivée d’une seconde génération de renouvelables autour de la biomasse et puis aussi de l’hydrogène. L’avantage de prix élevés, c’est qu’ils ouvrent des perspectives pour des technologies jusque-là trop onéreuses. Mais bien sûr, c’est là du moyen terme. À court terme, malgré la détente apparente sur le marché du gaz européen, l’horizon reste sombre, suspendu à la météorologie européenne et aux conséquences de la Niña sur les anticyclones sibériens ! On en viendrait presque à se réjouir du réchauffement…

Pour le reste, en cet automne, la plupart des marchés de matières premières sont orientés à la baisse. La plus spectaculaire est celle du fret-conteneurs qui, en quelques semaines, a perdu 60 à 70 % de sa valeur par rapport à ses sommets du printemps dernier. On constate des évolutions identiques – quoique moins spectaculaires – pour les matières premières industrielles qu’il s’agisse du minerai de fer (fermement en dessous désormais de $ 100 la tonne) et de l’acier, des métaux non ferreux comme le cuivre (autour de $ 8 000), de l’aluminium ($ 2 400) et plus encore de l’étain (au-dessous de $ 20 000), et puis des matières premières agricoles à l’image du coton dont la chute des prix est vertigineuse (83 cents la livre contre 174 cents en mai). Les seules exceptions notables restent le lithium à près de $ 70 000 la tonne et dans un genre bien différent la pâte à papier.

La raison de ce repli presque général est simple à expliquer : une forte odeur de récession plane sur des pans entiers de l’économie mondiale ; l’Europe bien sûr, mais aussi le Japon, le Brésil et quelques autres. Sous les coups de boutoir de la Fed, la croissance américaine reste anémique et l’interrogation chinoise est entière : que va décider Xi Jinping désormais adoubé presque à vie et entouré d’une équipe de fidèles « seconds couteaux ». Va-t-il poursuivre sa politique anti-covid à coups de confinements à la moindre alerte ou bien va-t-il ouvrir à nouveau les vannes de la relance économique sur la base de son seul marché intérieur ?

Il reste enfin la situation des marchés alimentaires pour lesquels les tensions restent fortes : en octobre l’indice des prix alimentaires de la FAO est resté à peu près stable, 15 % en dessous du record de mars 2022, mais 2 % au-dessus du niveau d’octobre 2021 : à l’exception des céréales, la plupart des prix sont orientés à la baisse. Les marchés céréaliers vivent en effet les angoisses ukrainiennes et puis aussi quelques mauvaises nouvelles climatiques dans l’hémisphère Sud (Australie et Argentine). Le marché du blé reste tendu malgré une récolte mondiale record (784 Mt d’après la FAO). Pourtant, les tensions les plus fortes sont à attendre pour les céréales secondaires et en particulier pour le maïs avec une baisse de la production mondiale de l’ordre de 40 Mt. Tout va dépendre de l’appétit chinois… Et puis, il faut déjà penser aux campagnes à venir et à l’impact attendu de la hausse du prix des engrais : les prix de l’urée, dans la foulée du gaz naturel restent trois fois plus élevés qu’il y a deux ans.

Nous retrouvons là la crise énergétique et au-delà la situation climatique dont on débat sous le soleil de Charm El Sheik dans une Égypte dont la facture céréalière va augmenter d’au moins un milliard de dollars…

 


  Ceci est un extrait de la synthèse mensuelle éditée par le Cercle CyclOpe.La version complète de 150 pages est disponible sur abonnement, pour plus d’informations, vous pouvez nous contacter à cyclope@ampersandworld.ch  


 

Brèves de marchés, novembre 2022

❚ Rio Tinto annonce un coût de production du cuivre entre 150 et 170 cents la livre, ce qui – quoiqu’en augmentation – reste confortable face aux prix mondiaux.

❚ Fortescue, la quatrième mineur mondial de fer parle d’un coût de production de $ 17,69 la tonne sèche.

❚ Fin octobre, l’organisme d’état saoudien d’approvisionnement en céréales (SAGO) a acheté 566 000 tonnes de blé pour mars et avril 2023 à un prix moyen de $ 384,75 la tonne CF.

❚ D’après un sondage de Reuters réalisé à l’occasion de la Metalsweek de Londres, le prix du cuivre en 2023 serait de $ 7 588 la tonne avec un excédent mondial de 252 000 tonnes (Macquarie de son côté chiffre à 600 000 tonnes !). L’Aluminium serait à $ 2 413 avec un excédent de 297 000 tonnes. Enfin, le nickel vaudrait $ 20 250 pour un excédent de 139 000 tonnes.

❚ D’après l’INSG, la production de nickel en 2022 dépasserait pour la première fois les 3 millions de tonnes (3,04 Mt) en hausse de 16,5 %. Elle augmenterait encore de 11,5 % en 2023 à 3,39 Mt. La demande serait de 2,89 Mt en 2022 et 3,22 Mt en 2023 dégageant ainsi des excédents de 160 000 t en 2022 et 170 000 t en 2023.

❚ Au troisième trimestre 2022, les Banques centrales ont acheté 399 tonnes d’or sur une demande totale de 1 181 tonnes. Au total sur les trois trimestres, les achats des Banques centrales ont porté sur 673 tonnes avec à l’achat la Turquie, l’Ouzbékistan, le Qatar, l’Inde…

❚ Finalement, la Russie maintient son feu vert au « corridor céréalier » pour les exportations ukrainiennes. Au total à fin octobre, l’Ukraine a exporté 13,4 Mt de grains, contre 19,7 Mt sur la campagne précédente : sur les 13,4 Mt, on compte 5,1 Mt de blé, 7,1 Mt de maïs et 1,1 Mt d’orge. Mais le maïs exporté correspond à l’ancienne campagne. D’après les autorités, la production céréalière serait de 50 à 52 Mt (86 Mt en 2021/2022). Par ailleurs, le Kazakhstan devrait exporter 9 Mt de blé (+ 7 %) et 1 Mt d’orge (+ 50 %).

❚ La Bolivie semble enfin se lancer dans la course au lithium. Elle détient les plus importantes réserves de la planète. Le gouvernement cherche un partenaire pour Yacimientos de Litio Bolivianos et a retenu pour l’instant quatre groupes chinois, un américain (soutenu par Bill Gates) et une filiale du russe Rosatom. Le carbonate de lithium cote actuellement $ 67 000 la tonne, dix fois plus qu’en 2021. La baisse des prix du fret conteneurs est impressionnante :
– 77 % sur Chine-Los Angeles,– 70 % sur Shanghai- Rotterdam,– 66 % sur Shanghai – Gênes.

❚ Les importations chinoises de GNL devraient diminuer et se situer entre 65 et 67 Mt (contre 78,9 Mt en 2021). Au dernier trimestre 2022, la Chine n’importerait que 16,4 Mt (– 20 %). Le prix du GNL en Chine est plafonné à $ 20 le mbtu Baisse générale des prix du charbon vapeur après les sommets atteints début septembre. La demande se reporte sur les bases qualité et puis aussi sur le charbon russe exporté de Sibérie qui a presque retrouvé son niveau d’avant la guerre.

❚ À la mi-octobre, il y avait un encombrement de méthaniers au large des côtes européennes (surtout Espagne et Méditerranée) incapables de livrer leur GNL d fait de files d’attente devant les terminaux de regazéification : on parle de 35 navires, dont 8 dans la seule baie de Cadix (l’Espagne a un tiers des capacités européennes). Par ailleurs, un peu partout en Europe, les capacités de stockage de gaz sont pleines, ce qui explique la baisse des prix sur la TTF : 94 % de remplissage en moyenne (99 % en France, 98 % en Allemagne).

❚ Le projet du G7 de plafonnement du prix de vente du pétrole russe semble progresser. On parle d’un prix qui pourrait tourner autour de $ 60 le baril à partir du 5 décembre. Ceci étant, on estime que plus de 80 % des exportations russes pourront passer au travers des mailles du filet et que le plafonnement ne toucherait que 1 à 2 mbj.

❚ En octobre, ce sont 88 méthaniers chargés de 6,27 Mt de GNL qui ont quitté les ports américains. 24 % seulement des tonnages sont allés vers l’Asie, le reste vers l’Europe. Les prix européens étaient fin octobre de $ 27 le mbtu. En octobre, l’Asie a importé 20,61 Mt de GNL et l’Europe 10,79 Mt. La courbe des prix reste soutenue avec des prix supérieurs à $ 30 le mbtu sur toute l’année 2023 ($ 32 en juillet, théoriquement le point bas saisonner du marché.

❚ En octobre, l’OPEP a produit 29,71 mbj de pétrole en baisse de 20 000 bj par rapport à septembre (normalement, la baisse aurait dû être de 64 000 bj). Cependant, la production de l’OPEP est 1,36 mbj en dessous de son quota.

❚ Les taux de fret des méthaniers pour le transport du GNL atteignent des niveaux record : $ 478 000 par jour sur Golfe du Mexique/Asie et $ 468 000 par jour sur Golfe du Mexique/Europe, soit des taux deux fois plus élevés qu’il y a un an.

❚ Au troisième trimestre, les marges de raffinage de Shell ont été de $ 28 le baril. Elles devraient diminuer à $ 15 au quatrième trimestre. Les marges de la pétrochimie passeraient de $ 96 la tonne à une marge négative de $ 27.

En octobre, la Russie a été le premier fournisseur de pétrole à l’Inde avec 970 000 bj devant l’Irak (806 000 bj) et l’Arabie saoudite (617 000 bj). L’Inde profite des rabais sur le brut russe qui était début novembre de $ 17 le baril.

 


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